Macro, Fed, Japon… et pourquoi tout cela finit toujours par frapper Bitcoin

Tout le monde regarde le prix du Bitcoin.
Très peu regardent vraiment ce qui l’alimente : la macro, la liquidité et les banques centrales.

Dans ce dossier, on va partir de là où tout commence réellement :

  1. La Fed et les marchés actions US,

  2. Le Japon, le yen et la fin du “carry trade”,

  3. Pour finir sur Bitcoin et le marché crypto : pourquoi, oui, la crypto reste un actif risqué, directement branché sur ces dynamiques.

1. Une économie qui “tient” en surface… mais sous perfusion

Sur le papier, les États-Unis vont plutôt bien :

  • Le S&P 500 et le Nasdaq évoluent proche de leurs plus hauts historiques.

  • Les méga-cap de l’intelligence artificielle mènent la danse.

  • La croissance est encore positive.

Mais dans la vraie vie :

  • Des millions d’emplois ont été détruits ces dernières années.

  • Une majorité d’Américains a le sentiment de vivre en récession.

  • Les ménages voient surtout l’inflation et la perte de pouvoir d’achat.

La réalité, c’est que la croissance est concentrée sur quelques secteurs (IA, data centers, semi-conducteurs), pendant que le reste de l’économie avance beaucoup plus lentement.

C’est un point clé :

les marchés montent surtout parce que la liquidité tient, pas parce que tout le monde se porte bien.

Et cette liquidité, c’est d’abord la Fed qui en tient la clé.

2. La Fed : métronome de la prise de risque

Les marchés ne se demandent plus vraiment si la Fed va baisser les taux.
Ils se demandent :

  • Combien de baisses ?

  • À quel rythme ?

  • Avec quel discours ? (croissance solide, récession, “soft landing” ?)

Deux grands scénarios se dessinent :

Scénario 1 – Baisse “maîtrisée” des taux

  • La Fed parle de normalisation,

  • Le marché croit encore au “soft landing”,

  • La liquidité reste suffisante pour alimenter les actifs risqués : actions, high yield, tech… et crypto.

Scénario 2 – Baisse “forcée” des taux

  • Dégâts visibles sur l’emploi,

  • Ralentissement brutal de l’économie,

  • Baisse de taux perçue comme un aveu de faiblesse, pas comme un confort.

Dans les deux cas, les taux baissent, mais le narratif n’est pas le même.
Et c’est ce narratif qui conditionne la soif de risque.

Entre deux réunions de la Fed, on vit souvent ce que tu vois aujourd’hui :

  • des marchés qui tournent en rond,

  • des indices qui font +0,3 % / –0,4 %,

  • tout le monde qui attend Powell.

Mais la Fed n’est pas le seul acteur clé.
Un autre pays pèse lourd dans la liquidité mondiale : le Japon.

3. Le Japon, le yen et 20 ans de liquidité bon marché

Pendant plus de 20 ans, le Japon a été une immense source de liquidité mondiale via ce qu’on appelle le carry trade en yen.

Le principe du carry trade en yen (simplifié)

  1. Les taux d’intérêt au Japon étaient proches de zéro, parfois même négatifs.

  2. Des investisseurs du monde entier :

    • s’endettaient en yen à très faible coût,

    • convertissaient cet argent,

    • et investissaient dans des actifs mieux rémunérés :
      actions, obligations, émergents, parfois même cryptos.

  3. Ils encassaient le différentiel de taux :

    • emprunter à (quasi) 0 %,

    • placer à 4–5–10 % ailleurs.

Résultat :
Le yen a servi de monnaie de financement pour des centaines de milliards de dollars d’expositions dans le monde entier.

Certaines estimations parlent d’un stock de 500 à 800 milliards de dollars en position de carry trade yen au pic, autour de 2022–2023.

4. “Fin du carry trade = krach mondial” ? Pas si vite.

Tu as sûrement vu passer des analyses alarmistes du type :

“Si la BoJ remonte ses taux, tout le carry trade va se déboucler, et ce sera le krach mondial.”

La réalité est plus nuancée :

  • Depuis 2024, la Banque du Japon (BoJ) a commencé à remonter ses taux.

  • Le taux directeur est passé de négatif / zéro à environ 0,50 %, avec des anticipations de hausse vers 0,75 % puis peut-être un peu plus.

  • Résultat : les nouvelles opérations de carry trade en yen ont quasiment disparu (plus assez de différentiel de taux pour que ce soit aussi attractif qu’avant).

Et surtout :

  • Une grande partie des anciennes positions a déjà été débouclée progressivement.

  • Certaines estimations parlent de 50 à 60 % des positions qui seraient déjà sorties.

Important :

  • Cela s’est fait lentement,

  • sur toutes les classes d’actifs,

  • dans tous les pays,

donc sans choc unique visible.
Pendant ce temps, le S&P 500 a même fait de nouveaux plus hauts.

Dire “la fin du carry trade en yen va provoquer mécaniquement un krach global” est donc exagéré.

Mais…

5. Là où le risque devient sérieux : le yen et le timing

Ce n’est pas tant la fin du carry trade qui est dangereuse.
C’est la façon dont les dernières positions pourraient se déboucler.

Aujourd’hui :

  • On estime qu’il reste encore une moitié environ du stock de carry trade à travers le monde.

  • Le Japon a maintenant un vrai problème d’inflation :

    • l’inflation sous-jacente tourne autour de 3 %,

    • l’objectif officiel est de revenir vers 2 %,

    • la croissance réelle est faible.

La BoJ est donc coincée :

  • Si elle remonte trop vite ses taux et réduit son bilan :

    • le yen pourrait se renforcer brutalement,

    • le coût réel des dettes en yen augmenterait,

    • les porteurs de carry trade seraient incités à vendre leurs actifs internationaux pour rembourser en urgence.

  • Si elle ne fait rien,

    • l’inflation reste au-dessus de l’objectif,

    • les taux obligataires japonais montent quand même,

    • le marché peut la forcer à agir plus tard… dans de moins bonnes conditions.

C’est là que se trouve le risque résiduel :

Si le yen s’envole trop vite,
les positions de carry trade restantes peuvent se défaire dans la panique,
et provoquer une vente forcée sur des actifs partout dans le monde.

Ce n’est pas le scénario central aujourd’hui,
mais c’est un facteur à surveiller pour qui s’intéresse à la liquidité globale
et donc à la crypto.

6. Pendant ce temps, les États-Unis avancent sur un autre front : dollar, dette et stablecoins

Pendant que le Japon se débattait avec 0 % d’inflation et des taux à zéro,
les États-Unis ont développé un autre outil : les stablecoins en dollar.

Avec des textes comme le Genius Act et le travail de la CFTC, Washington est en train de :

  • Légaliser et encadrer les stablecoins adossés au dollar,

  • Attirer toujours plus de demande mondiale vers des instruments libellés en dollar,

  • Et utiliser ces stablecoins pour financer sa dette.

Derrière un stablecoin “simple” comme USDC ou d’autres, tu trouves souvent :

  • des T-Bills,

  • des bons du Trésor US court terme.

Chaque milliard qui arrive en stablecoins,
c’est un milliard qui achète la dette américaine.

À cela s’ajoute une nouveauté importante :
la CFTC teste un programme pour autoriser BTC, ETH et USDC comme collatéral dans la finance traditionnelle (dans un cadre pilote, régulé).

Traduction :

Les cryptos ne sont plus seulement un “actif exotique”,
elles commencent à être intégrées comme garanties dans le système financier classique.

Pendant que l’Europe discute d’interdire ou de limiter certains stablecoins en dollar,
les États-Unis, eux, les utilisent comme outil stratégique.

7. Et la crypto là-dedans ? Un actif de liquidité, pas une valeur refuge

Revenons à ta question de départ :

“La cryptomonnaie est un actif risqué.
Si la macro est en bonne santé, la crypto suivra.”

Tu as raison sur l’essentiel, mais on peut affiner :

  • La crypto, et en particulier Bitcoin, est un actif de risque lié à la liquidité.

  • Quand :

    • la Fed assouplit,

    • la BoJ ne déclenche pas de choc,

    • le dollar reste fort mais pas écrasant,

    • les indices actions résistent,

la crypto ne fait pas que suivre :
elle amplifie le mouvement.

Inversement :

  • Quand la liquidité se contracte,

  • Quand les marchés doivent réduire l’effet de levier,

  • Quand les banques centrales parlent plus de lutte contre l’inflation que de soutien à la croissance,

les portefeuilles se réduisent d’abord sur ce qu’il y a de plus volatile et spéculatif :
Bitcoin, altcoins, actions non rentables, etc.

C’est pour ça que :

  • Le ratio BTC / Nasdaq est un excellent indicateur :

    • en phase de stress, il baisse,

    • en phase de soulagement, il se stabilise puis remonte.

  • Les stablecoins sont un thermomètre utile :

    • quand leur offre augmente mais que leur dominance baisse légèrement,

    • cela montre qu’il y a de la liquidité fraîche qui entre dans l’écosystème crypto,

    • et qu’elle se diffuse vers les actifs (BTC, ETH, alts).

Aujourd’hui, le message est clair :

  • Sur le très long terme, Bitcoin reste dans une trajectoire haussière.

  • Mais la dynamique lancée depuis 2023 est cassée,

  • Et tant que BTC évolue dans une grande zone neutre (par exemple 75 000 – 105 000 $),
    tu es dans un marché de trading, pas encore dans un bull market reconfirmé.

8. Ce que je surveille pour la crypto en 2025–2026


voilà les grands indicateurs macro / marché que je surveille :

  1. Fed & taux US

    • Rythme des baisses de taux,

    • Ton des communiqués (récession subie ou normalisation maîtrisée).

  2. Banque du Japon & yen

    • Niveau du taux directeur (0,50 % → 0,75 % → 1 % ?),

    • Comportement de l’USD/JPY :

      • un yen trop faible = carry trade qui respire,

      • un yen qui s’envole = risque de débouclage forcé sur une partie du monde.

  3. Stablecoins en dollar

    • Évolution du market cap total,

    • Part des stablecoins dans la capitalisation crypto (“dominance”),

    • Signaux d’injection ou de retrait de liquidité.

  4. Ratio BTC / Nasdaq

    • Permet de voir si Bitcoin surperforme ou sous-performe les actions US,

    • Indicateur simple mais puissant de prise ou de réduction de risque.

  5. Regulation & intégration

    • Avancées sur l’utilisation de BTC/ETH/USDC comme collatéral,

    • Lignes directrices autour des stablecoins (US vs Europe),

    • Décisions qui peuvent changer les flux réglementés vers la crypto.

9. Pourquoi suivre tout cela avec Réussite-Crypto ?

Ce que tu viens de lire ici, c’est la logique que j’applique dans mes analyses :

  • Ne pas regarder Bitcoin isolément,

  • Mais le replacer dans son écosystème macro :

    • Fed,

    • BoJ,

    • dollar,

    • stablecoins,

    • flux de liquidité.

Si tu ne veux plus te contenter de regarder le prix sans comprendre le contexte,
si tu veux passer d’une logique “subir la volatilité” à une logique “lire le cycle”,
c’est exactement ce type d’analyse que tu retrouveras sur Réussite-Crypto.

La suite ?
Elle se jouera entre :

  • les décisions de la Fed,

  • les choix de la Banque du Japon,

  • la manière dont le dollar et les stablecoins resteront au cœur du système.

Et comme d’habitude, Bitcoin sera en première ligne.

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Avertissement
Les informations présentées dans cet article sont fournies à titre purement informatif et éducatif. Elles ne constituent en aucun cas un conseil en investissement, une recommandation d’achat ou de vente, ni un avis juridique ou fiscal. Les marchés financiers et les cryptomonnaies comportent des risques importants, pouvant entraîner une perte partielle ou totale du capital. Chaque lecteur doit effectuer ses propres recherches et, si nécessaire, consulter un professionnel qualifié avant toute décision d’investissement.

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